Discours d’inauguration de la stèle du camp américain le 8 mai 2024

Dans un mois, le 6 juin exactement, nous célébrerons le 80ème anniversaire du D Day, le débarquement des alliés en Normandie. Cette opération militaire de la seconde guerre mondiale fut décisive pour libérer la France et pour la victoire. Ce sera la plus grande opération logistique et militaire jamais réalisée.
Ce sont 156 000 hommes, principalement Américains, Canadiens, soldats de toute la Grande Bretagne et Français qui débarquent sur les plages Normandes.
10 500 hommes mourront ce jour-là.

Tout à l’heure, devant le monument aux morts, nous rendrons également hommage à nos aïeuls. Ceux qui sont morts pour préserver notre pays et nos libertés lors des deux guerres mondiales. Nous penserons également à nos militaires qui œuvrent chaque jour, tant sur le sol Français qu’à l’étranger pour notre sécurité, pour la démocratie et pour la paix.
Tout comme le temps qui passe fait que la végétation efface les traces de la base militaire Américaine, le temps efface aussi les souvenirs et l’histoire. Nous sommes ici aujourd’hui pour que cette histoire soit évoquée, ravivée et transmise à la jeune génération. 
Nous sommes ici disais-je, à la cote 108 route de Duras, précisément au poste de garde, parce qu’à partir d’ici, de cette entrée principale, de 1951 à 1967, On entrait en territoire Américain. Au milieu du camp flottait le drapeau Français au côté de celui des États-Unis.
Le camp Américain, comme on l’appelle, fût construit dans le cadre de l’OTAN, l’Organisation de l’Atlantique Nord. Cette organisation politico-militaire, signée 4 ans après la fin de la guerre, le 4 avril 1949 entre l’Europe et l’Amérique du nord, a pour vocation d’assurer la sécurité de l’occident.
La forêt de Chinon, de St-Benoit-la-Forêt plus particulièrement, est choisie pour installer le plus grand dépôt de génie militaire Américain en Europe de l’ouest. Ce sont ainsi 800 hectares qui leur sont attribués, sur lesquels ils ne cesseront de s’étendre et de construire jusqu’à la veille de leur départ.
Je ne développerai pas les aspects politiques de cette organisation ni le bien fondé de leur présence sur le sol Français, seulement son impact ou plutôt ses impacts pour notre commune et le Chinonais tout entier, tant à l’époque qu’aujourd’hui encore.
En 1951 c’est un véritable bouleversement socio-économique et culturel que provoque l’arrivée des GI’s dans notre paysage et dans nos vies : Grosses voitures, chewing gum, pop corn, hamburger, jean, coca cola, juke box et musiques jusque là inconnues mais également le confort moderne, salle de bain, toilettes, chauffage central, tout à l’égout, téléphone, super marché, cinéma et bien d’autres choses qui nous sont quotidiennes aujourd’hui, 70 ans plus tard.
Le camp, directement et indirectement, génère des milliers d’emplois. Les bars Chinonais sentent bon le rêve Américain et sont fréquemment l’objet de descente de la police militaire, les MP, les jours de paye notamment. Les colonnes, le Chinon, le Monic, le Marceau et le Trianon à la Roche-Clermault sont des lieux marqués de leurs histoires, tout comme certaines maisons, fermées depuis, que la décence m’empêche de citer.
La police militaire est en grande partie réalisée par une unité spéciale de soldat Polonais, et ce sont eux et les civils du camp qui offrent une stèle en mémoire de John Fitzgerald Kennedy lors de son assassinat le 22 novembre 1963. Cette stèle sera déplacée, à la demande du commandant du camp et avec l’accord du maire de l’époque, Mr Delaunay Savinien, dans le bourg, à l’entrée de l’église, afin de ne pas être détruite après leur départ.
De très nombreuses plateformes et quais furent construits ainsi que différents bâtiments : bureaux, banque, gare de triage et plus de 70km de voies ferrées et de routes, ateliers, garages, infirmerie, caserne de pompiers, économat et de très grands entrepôts, dont deux sont encore utilisés aujourd’hui par deux entreprises, Martelling et la SAE (détail : l’étoile de la stèle a été réalisée à la SAE et la sculpture par Mr Jaquis Fournier). Seront également construit un héliport et une piste pour avions légers.
Entre 1954 et 57, en prévision d’un éventuel conflit, sera construit un hôpital de 1000 lits avec 6 blocs opératoires et une maternité, au lieu-dit « Trinquebrenille ». Ce sont 1826 petits Américains qui sont nés Bénédictins à cette époque. Une centaine de mariages mixtes sont également célébrés dans le secteur de Chinon. Deux jeunes Bénédictines parmi elles sont parties vivre aux Etats-Unis ensuite.
L’hôpital était doté d’une chapelle, d’une bibliothèque, d’un cinéma théâtre, d’un bowling et de terrains de sport ou sont pratiqués le base ball, le basket et le foot Américain. Je n’oublie pas non plus la construction de deux citées, la Durandière et Rochambeau (pour les officiers). Pour la petite histoire, le maire de l’époque s’appelait Moïse et il refusa que l’une de ces citées soit construite à la Pomardière (aujourd’hui classé Espace Naturel Sensible).
Ce sont environ 1500 Américains et leurs familles qui viennent rejoindre les 11 000 habitants du secteur et plus de 1000 civils qui travaillent dans le camp. Au mess, aux cantines, au self, au foyer, dans les garages, les ateliers et à l’entretien mais également comme secrétaires et dactylos. Nous avons à ce moment une pensée émue pour l’une d’elle. Mme Marolleau Liliane, qui nous a malheureusement quitté il y a peu, car elle y travailla pendant sept années et eu toujours à cœur de perpétrer son histoire et la vie dans le camp. Nous avons sa fille à nos côtés et je suis sûr que votre mère est heureuse de voir que nous sommes ici aujourd’hui.
Il faut également souligner l’entente cordiale entre les militaires, la population et les élus à cette époque. Les militaires conviaient régulièrement ces derniers aux manifestations dans le camp, et nous découvrîmes ainsi Thanksgiving et Halloween, et les soldats participaient également aux fêtes et évènements locaux, ce qui leur permis de découvrir nos fameux « vins d’honneur ».
Le 7 mars 1966 la France, par la voix du Général De Gaulle, décide de quitter le commandement intégré de l’OTAN et les bases Américaines doivent quitter le sol Français avant le 31 mars 1967. C’est un cataclysme, autant pour les Américains que pour les Chinonais. Bien que cela soit précipité, les Américains mettront un point d’honneur à partir avant la date fixée et c’est le 8 février 1967, à 16h30, au cours d’une brève cérémonie de 30 minutes que les couleurs sont descendues, en présence du colonel HS Holt, commandant de la région ouest et le major Irvin, sont également présents préfet et sous préfet, Mr Voisin, président du conseil général, Mr le Docteur Balavoine, conseiller général de Chinon, Mr le Docteur Jacquet, conseiller général d’ Azay le rideau, Mr Beauvillain Maire de Chinon et Mr Delaunay Savinien, Maire de St-Benoit-la-Forêt.
La fermeture de l’Engineering Dépôt est officielle. Le Major Irvin remet la bannière étoilée à Mr Delaunay et lui offre son bureau (toujours dans le bureau du maire à l’heure actuelle).
L’US Army évacue 700 000 tonnes de matériel et engins et les 600 salariés Français se retrouvent sans travail. Leur départ crée un grand vide…. 
Cette stèle marque l’entrée du camp et nous et nous invite à l’inscrire dans la mémoire collective.

Certains vétérans reviennent de temps à autres en Chinonais; Certains possèdent même une résidence secondaire dans la région. Nous avons la chance d’avoir l’un d’eux avec nous aujourd’hui, Mr Richard Gober et je crois qu’il aimerait nous dire quelques mots avant que je ne conclue et vous invite à nous suivre dans le bourg pour la cérémonie du 8 mai, pour ensuite voir la maquette du camp ainsi qu’une petite vidéo réalisé il y a 10 ans, lors de l’Américain Day à St-Benoit-la-Forêt… et bien entendu partager le "Vin d’honneur"'.

Vraiment merci à vous Mr Gober pour ce témoignage.
Tous autant que nous sommes, ici présents, nous ne sommes pas historiens, juste des passeurs de cette mémoire collective et je vous invite tous à raconter ce que vous avez vécu, entendu, afin que la mémoire de notre histoire perdure.
J’espère que cette stèle nous y aidera.

Didier Guilbault